26 novembre 1974. Simone Veil, les deux mains sur le pupitre, est à la tribune de l’Assemblée nationale. Inconnue du grand public, elle entre dans la lumière. Nommée à 47 ans ministre de la Santé, elle a en charge un premier et lourd dossier : défendre la loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse. Il y a urgence sanitaire : des milliers de femmes avortent clandestinement sous peine d’être condamnées à six mois de prison.
Simone Veil devient une icône de la lutte des droits des femmes
Devant une assemblée quasi exclusivement masculine, elle devient une cible, objet d’attaques d’une rare brutalité. A la loi qu’elle présente, certains députés opposent un discours nauséabond, antisémite. L’avortement ? « le choix d’un génocide », « des embryons jetés au four crématoire », une « barbarie organisée et couverte par la loi comme elle le fut par les nazis ». Face à ce discours violent et conservateur, elle ne courbe pas. La loi est promulguée le 17 janvier 1975. Une victoire pour toutes les femmes.
Simone Veil devient alors une icône de la lutte des droits des femmes. Une icône qui sera l’objet de haine et de harcèlement tout au long de sa vie. Au-delà du symbole de cette loi, c’est aussi à Simone Veil « la juive », « la rescapée » que ces détracteurs s’en prennent. Car Simone Veil c’est le matricule 78651. Une empreinte indélébile gravée dans son regard.
Toute sa famille est déportée
Née le 13 juillet 1927, Simone Jacob passe une enfance paisible. Fille d’un architecte juif, elle est très proche de sa mère, femme au foyer, en quête d’émancipation et de liberté. A 17 ans, sa vie bascule. Elle est arrêtée en juin 1944 lors d’une rafle dans les rues de Nice par la Gestapo. Toute sa famille est déportée : Madeleine, sa sœur, et Yvonne, sa mère, sont transférées avec elle à Drancy puis à Auschwitz ; Denise, sa sœur aînée, résistante, est déportée à Ravensbrück. Elle ne reverra jamais son frère et son père.
Dans le camp, Simone est la « protectrice » de sa sœur et de sa mère. Il faut se battre pour survivre. Endurer la longue marche de la mort avant la délivrance. 17 avril 1945, l’armée britannique libère le camp de Bergen-Belsen. Sa mère ne la suivra pas, elle succombe du typhus un mois plus tôt. Simone Veil survit ; elle fera partie des 2500 rescapés des camps sur les 78000 juifs français déportés.
Sa vie sera consacrée à l’émancipation des femmes
Fin mai, retour en France. Elle s’inscrit en droit, entre à Sciences Po et rencontre Antoine Veil, son futur mari, avec qui elle aura trois enfants. Une confortable vie se présente devant elle.
Moment de répit après tant de souffrances. Magistrate à l’âge de 27 ans, Simone Veil aurait pu décider de mener une vie tranquille de femme haut-fonctionnaire. Elle décide du contraire : sa vie sera consacrée à l’émancipation des femmes, à la transmission de la mémoire et à la construction européenne.
Première femme à présider le Parlement européen de 1979 à 1982, elle croit dans l’Europe, gage de paix à ses yeux. Mais c’est aussi au cours de cette période que le discours haineux se libère et se banalise aussi bien au niveau européen que national.
Simone Veil, femme, rescapée, engagée
Face au négationnisme, elle ressent l’urgente nécessité de témoigner, de transmettre, le souvenir des victimes. Simone Veil : « Comme tous mes camarades, je considère comme un devoir d’expliquer inlassablement aux jeunes générations, aux opinions publiques de nos pays et aux responsables politiques, comment sont morts six millions de femmes et d’hommes, dont un million et demi d’enfants, simplement parce qu’ils étaient nés juifs ».
Au tragique de sa vie privée, Simone Veil a su rester digne et combattante. Femme, rescapée, engagée, « l’immortelle » repose désormais au Panthéon auprès de son époux, réunis pour l’éternité.
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C’était une grande dame, une femme admirable.