« Le violeur, c’est toi » scande le collectif chilien féministe Las Tesis. De Paris à Barcelone en passant par Mexico, l’hymne dénonce les violences faites aux femmes.
Bandeau noir sur les yeux, alignées et poings levés, une centaine de femmes chantent pour la première fois le 20 novembre dernier au Chili « Un violador en tu camino » (« Un violeur sur ton chemin »). C’est dans le port de Valparaiso, à 120 km de Santiago, la capitale, que la chanson et la chorégraphie sont nées.
Les quatre femmes du collectif Las Tesis, Dafne Valdés Vargas, Sibila Sotomayor Van Rysseghem, Paula Cometa Stange et Lea Cáceres Díaz, travaillent alors à un spectacle féministe. Le 18 octobre éclate une vague de protestations au Chili qui s’enracine dans une demande d’une plus grande égalité sociale. Une révolte durement réprimée qui fait état de dizaine de morts, de milliers de blessés et d’agressions sexuelles perpétrées par des policiers contre les femmes. Las Tesis décide alors de bousculer leur projet et crée un chant chorégraphié joué dans la rue.
Des violences contre les femmes normalisées, institutionnalisées
Leur performance ? Des mots qui frappent les esprits : « Et ce n’était pas de ma faute, ni de l’endroit où je me trouvais, ni de comment j’étais habillée…le violeur, c’est toi! ». Des paroles qui dénoncent le patriarcat, les violences contre les femmes – le harcèlement de rue, les abus et les viols, le féminicide, la disparition forcée des femmes – et le manque de justice.
Face aux crimes commis, elles dénoncent la violence normalisée, celle qui ne se voit pas et à laquelle toute la société participe. Mais aussi la violence institutionnalisée : l’inaction des pouvoirs exécutif et judiciaire et l’impunité des agresseurs. El violador eres tú (Le violeur c’est toi) désignent toutes ces complicités.
Las Tesis, un phénomène mondial
Cinq jours après la présentation de Valparaiso, c’est à Santiago que la performance est massivement reproduite à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes. Virales, en 48h la chanson et la chorégraphie sont traduites et reprises dans le monde entier. Comment expliquer ce succès ? Sans doute, aux quatre coins du monde, des femmes de tout âge et milieux sociaux confondus, vivent les même violences sourdes, muettes, invisibles.
Le collectif Las Tesis met aussi en lumière un drame qui se joue dans les pays d’Amérique Latine. 3 529 femmes dans 25 pays en 2018 sont mortes suite à des violences sexistes selon la Commission économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes.
Photo : Chili – Colectivo 2+/Carlos Vera M.