Depuis 2007, La Fondation Cathy Freeman œuvre pour l’égalité des chances dans le domaine de l’éducation pour les enfants aborigènes d’Australie.
Sydney, 25 septembre 2000. Stade ANZ. Jeux Olympiques. Épreuve du 400 mètres. Sur la piste, l’entrée d’une étoile verte en combinaison futuriste. Son nom : Cathy Freeman. Stade debout. Clameur. Puis le silence. Le coup de pistolet. Elle ne court pas, elle vole. Quarante-neuf secondes et treize centièmes. Cathy Freeman est championne olympique. Euphorie générale. Tour d’honneur de la nouvelle championne brandissant le drapeau australien et une autre bannière, rouge et noire, teintée d’un soleil doré, l’étendard des aborigènes.
C’est l’histoire de milliers d’enfants aborigènes, communément appelés « générations volées »
Depuis cette nuit historique, Cathy Freeman, première athlète aborigène championne olympique, est devenue une figure légendaire de l’athlétisme international. Son histoire personnelle ne la prédisposait pourtant pas à devenir une athlète de haut niveau.
Sa grand-mère, Alicia, sera enlevée de force à sa famille dès l’âge de huit ans par les colons britanniques puis déportée dans un camp d’éducation fermée, la « mission » de Palm Island, dans le Queensland. C’est l’histoire de milliers d’enfants aborigènes, communément appelés «générations volées», ainsi arrachés à leurs familles jusqu’à la fin des années 1960.
Alicia donnera naissance à Cécilia, la mère de Cathy Freeman. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans que Cecilia mariée à Norman Freeman aura le droit de quitter le camp de Palm Island. Le couple installé à Mackay aura cinq enfants, dont Cathy Freeman, née le 16 février 1973. Son enfance est difficile : elle sera confrontée très tôt à la disparition de son père, alcoolique et violent et à celle de sa sœur, Anne-Marie.
Cathy Freeman commence à courir très jeune et son talent est manifeste
Très jeune, elle commence à courir et son talent est manifeste. A l’âge de 8 ans, elle emporte sa première médaille aux championnats scolaires d’athlétisme. A dix-sept ans, elle est membre de l’équipe australienne médaillée d’or du relais 400 mètres féminin aux Jeux du Commonwealth. En 1993, Cathy Freeman est éliminée en demi-finale des championnats du monde. Elle ne renonce pas pour autant. Au contraire, sa détermination est encore plus grande. A bord de l’avion qui la ramène en Australie, elle grave sur le vide-poche contre le mal de l’air, son objectif pour les prochains Jeux olympiques d’Atlanta : « 48,60 ATLANTA ».
Cathy Freeman : première athlète aborigène à gagner une médaille aux JO
En attendant Atlanta, Cathy Freeman décroche aux jeux du Commonwealth de 1994, la médaille d’or du 200 et du 400 mètres en course individuelle. La jeune championne célèbre sa victoire enveloppée du drapeau australien et de la bannière en bandes noire et rouge avec au centre un disque jaune, symbole des luttes pour l’égalité des droits des Aborigènes. Le geste de Cathy Freeman dérange. Le chef de la délégation australienne publie même un communiqué pour se désolidariser de la championne.
En 1996 arrivent les Jeux d’Atlanta. Cathy Freeman monte sur le podium, médaillée d’argent. Elle devient ainsi la première athlète aborigène à gagner une médaille aux JO. Son temps ? Proche de son objectif : 48,63. Aux Jeux mondiaux d’Athènes en 1997 et de Séville en 1999, elle progresse encore et monte sur la plus haute marche du podium.
Ce qui est arrivée ce soir est un symbole. Quelque chose va changer pour les aborigènes
Le 25 septembre 2000, c’est le moment magique : la consécration de la petite-fille d’une victime des générations volées. « Ce qui est arrivé ce soir, dira la championne, est un symbole. Quelque chose va changer pour les aborigènes, l’attitude des gens dans la rue, les décisions des politiques… Je sais que j’ai rendu beaucoup de gens heureux, quelles que soit leurs vies, leurs histoires et moi aussi je suis heureuse d’avoir accompli cela.»
Le monde entier est admiratif devant sa performance. «Trente-deux ans après Smith, Carlos, Evans et Beamon à l’autre bout du monde – écrira le journal belge Le Soir, dans son éditorial -, une athlète appartenant, comme eux, à une minorité opprimée a remporté un triomphe que l’on peut comparer en bien des points à leurs victoires. Car elle aussi est allée jusqu’au bout d’elle-même, la petite aborigène que les organisateurs australiens avaient cru amadouer en lui confiant l’inestimable privilège d’allumer la vasque olympique. Après les feux de la cérémonie d’ouverture, elle a réussi à retrouver la concentration, ce qui n’était pas évident, et à gagner la course qui lui était promise. Puis comme elle n’avait rien oublié, sans tenir compte des pressions, elle a effectué, sous de folles ovations, le traditionnel tour d’honneur, drapée dans deux drapeaux, celui de son peuple et celui de son pays. »
« Chaque enfant mérite le droit de développer son potentiel »
Sept ans plus tard, en 2007, la championne olympique, désormais retraitée, décide de lancer la « Cathy Freeman Foundation« , dédiée à la promotion de l’égalité d’accès à l’éducation des jeunes aborigènes et non-aborigènes. Selon les statistiques officielles, les enfants aborigènes ont sept fois plus de chances d’être victimes d’abus ou de négligence et 23 fois plus de chance au cours de leurs parcours de connaître la prison.
En 2008, Kevin Rudd, premier ministre travailliste, prononce un discours historique et présente les excuses officielles de l’Etat australien aux générations volées : « Nous présentons en particulier nos excuses aux enfants enlevés à leurs familles, à leurs communautés et à leurs pays. Pour la peine, la souffrance et les blessures de ces générations volées, de leurs descendants et de leurs familles laissées derrières elles, nous demandons pardon. Aux mères et pères, aux frères et sœurs, pour avoir séparé des familles et des communautés, nous demandons pardon. »
Il conclue son discours par un appel solennel à la construction « d’un avenir dans lequel tous les Australiens, quelles que soient leurs origines, seront des partenaires réellement égaux, avec les mêmes chances et la même volonté d’écrire une nouvelle page de l’histoire de ce grand pays, l’Australie. »
Aujourd’hui, elle poursuit son rêve d’égalité des chances à travers sa fondation : « Chaque enfant mérite le droit de développer son potentiel. Je veux que les gens, en particulier les enfants aborigènes, expérimentent leur potentiel et leur grandeur. »
Photo : AFP/Louisa Gouliamaki – 04 Août 1997