Diplomate et écrivain français, Romain Gary demeure le seul auteur à avoir obtenu deux fois le prix Goncourt sous deux identités différentes. Retrouvez les cinq livres à lire parmi son immense œuvre littéraire.
Romain Gary, de son vrai nom Romain Kacew, est né à Vilna le 8 mai 1914. Avec sa mère, Lina, ancienne actrice de théâtre de culture juive, il passe une enfance pauvre en Lituanie et en Pologne. Il ignore l’identité de son père, qui serait peut être le comédien Yvan Mosgoski. A l’âge de 13 ans, ils rejoignent Nice où Lina vit de petits métiers avant de devenir gérante d’hôtel.
D’abord élève au lycée Massena, Romain Gary étudie par la suite le droit à Aix en Provence puis à Paris. Instructeur de l’armée de l’air, il rejoint la France libre en juin 1940. Il fait toute la guerre dans l’aviation et prend part aux campagnes d’Angleterre, d’Afrique et de France. Compagnon de la Libération en 45, il considérera toujours le gaullisme comme sa seule famille politique. Il deviendra Gary pour l’état civil en 1951.
Education Européenne – Les racines du ciel
Après la guerre, il mène simultanément une double carrière de diplomate et d’écrivain. La première le conduit en Bulgarie, en Suisse, à l’ONU et à Los Angeles où il est consul général. La seconde le mène à plusieurs succès dont son premier roman Education européenne, écrit pendant la guerre en 1945. Avec Les racines du ciel paru en 1956, il décroche son premier prix Goncourt la même année.
Romain Gary, qui vient de rencontrer l’actrice américaine Jean Seberg, pour qui il divorce de sa première femme, l’écrivaine Lesly Blanche, se sent à l’étroit dans la diplomatie et décide de reprendre sa liberté. A l’exception d’un passage comme chargé de mission au ministère de l’information en 1967, il vivra désormais de ses travaux de journaliste et des revenus tirés de son métier d’écrivain.
Gros Câlin
Auteur populaire méprisé de l’intelligentsia, Romain Gary souffre de cette méconnaissance et décide de se donner une nouvelle existence littéraire. Il invente de toute pièce un écrivain qu’il baptise “Emile Ajar” et le dote d’une écriture très personnelle, très différente de celle dont on lui connaît. Après un premier succès en 1974 avec Gros Câlin, il perfectionne le dédoublement en demandant à son petit cousin, Paul Pavlowitch, d’incarner Ajar pour les médias.
La vie devant soi – Vie et mort d’Emile Ajar
La mystification réussie au point que Gary, qui ne sera jamais identifié de son vivant comme Ajar, finit sous cette identité par obtenir le prix Gongourt avec La vie devant soi en 1975. Parallèlement à l’œuvre d’Ajar, il continue de publier sous son propre nom des ouvrages à succès. Ce jeu sur son identité accentue peut être un processus dépressif, en cours de longue date, qui le voit un an après le suicide Jean Seberg, mettre fin à ses jours en 1980. Il laisse comme testament littéraire un court texte révélant l’identité d’Ajar : Vie et mort d’Emile Ajar.
L’oeuvre de Romain Gary prône un humanisme généreux
Si Gary est assuré de rester dans l’histoire littéraire grâce à l’histoire d’Ajar, il serait injuste d’ignorer son œuvre en tant que telle. Entre la condescendance qui accueillait certains textes signés Gary et les commentaires dithyrambiques suscités par les livres d’Ajar, une attitude mesurée semble aujourd’hui possible. Elle implique de saisir la cohérence d’une œuvre de plus de trente livres qui puise ses racines dans des traditions peu connues en France, celle de l’humour juif et des conteurs russes.
Entrée dans la résistance au totalitarisme et le souvenir de la Shoah, elle prône un humanisme généreux et dénonce toutes les exclusions. Si elle ne s’interdit pas les répétitions et les généralités, l’œuvre littéraire de Gary est aussi portée par une grande créativité formelle, notamment un art d’inventer des voies littéraires et un comique corrosif.
Photo : Romain Gary © Sophie Bassouls