Éthologue et anthropologue britannique, Jane Goodall s’est éteinte le 1er octobre 2025 à l’âge de 91 ans. En 1960, ses travaux ont révolutionné l’étude des grands singes et transformé les rapports entre l’humain et l’animal. Elle fut la première scientifique à observer chez les chimpanzés plusieurs comportements similaires avec l’homme. Défenseure des droits humains et du bien-être animal, militante écologiste, Jane Goodall a délivré un message de paix et d’espoir dans ce discours daté du 19 octobre 2024 au siège de l’UNESCO. Extraits.
Jane Goodall : Aujourd’hui, nous laissons un monde bancal à nos enfants. C’est là que j’en viens à la plus grande différence entre les humains et les autres animaux. Nous savons maintenant que les animaux sont bien plus intelligents que nous ne le pensions, et pas seulement les grands singes. (…)
De quoi sommes-nous capables ? Nous avons envoyé une fusée sur Mars avec une petite caméra ; nous savons maintenant à quoi ressemble la surface de Mars. Nous avons Internet. Ce sont des exploits qu’aucun animal, aussi intelligent soit-il, ne pourrait réaliser. Et pourtant, nous ne sommes pas intelligents. Si nous l’étions – Homo sapiens, la créature qui « sait » –, nous ne serions pas en train de détruire notre planète, notre seule maison. Que lui avons-nous fait ? Considérez les problèmes que nous avons créés : le réchauffement climatique, la disparition des espèces, la perte de biodiversité dans le monde entier, la pollution de l’air, de l’eau et de la terre ! (…)
Je connais les problèmes auxquels le monde est confronté, mais j’ai de l’espoir
Les gens me demandent : « Jane, as-tu vraiment de l’espoir ? » Je connais les problèmes auxquels le monde est confronté, mais j’ai de l’espoir. Les êtres humains se trouvent actuellement à l’entrée d’un tunnel très long et très sombre, et tout au bout de ce tunnel, il y a une petite étoile : c’est l’espoir. Mais il ne sert à rien de rester à l’entrée du tunnel et d’attendre que l’étoile vienne à nous. Non ! Il faut se retrousser les manches ; il faut enjamber, contourner et franchir tous les problèmes qui se trouvent entre nous et l’étoile!
La bonne nouvelle est que des personnes s’attaquent collectivement à ces problèmes. Mais elles œuvrent souvent dans leur propre tunnel, petit et étroit, dans leur propre silo. Elles peuvent résoudre un problème, mais la résolution d’un problème peut en entraîner un autre. (…) Si nous avions réfléchi de manière globale dès le départ, nous aurions travaillé ensemble. Et c’est la réponse pour l’avenir : aucune organisation, seule, ne peut parvenir à quelque chose. Nous avons besoin de plus de collaboration, de plus de partenariats, nous devons collaborer pour rendre le monde meilleur.
Résilience de la nature
Mes raisons d’espérer : tout d’abord, les jeunes. Partout dans le monde, ils sont en train de faire une énorme différence. Deuxièmement, la résilience de la nature. Si nous donnons une chance à la nature, elle renaîtra et embellira à nouveau des endroits que nous avons détruits. Si vous survolez le parc de Gombe aujourd’hui, vous verrez que les collines nues ont disparu. Les arbres sont revenus et avec eux, animaux, oiseaux, insectes, etc. Il est possible de donner une nouvelle chance à des animaux qui sont au bord de l’extinction.
Mes raisons d’espérer : les jeunes
Et puis il y a l’intelligence humaine. Nous commençons à retrouver la raison et à rechercher les moyens de vivre en plus grande harmonie avec la nature. La science met au point des énergies renouvelables, etc., et nous réfléchissons chaque jour à notre propre empreinte écologique. (…)
Et il y a ce que je nomme l’esprit humain indomptable, c’est-à-dire les personnes qui s’attaquent à ce qui semble irréalisable, qui n’abandonnent pas et qui, si souvent, réussissent. (…)
L’une des pires choses auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui est la guerre. (…) Mais il y a de l’espoir pour les gens qui subissent la guerre. Lorsque des jeunes, comme ceux de Roots & Shoots, se réunissent alors qu’ils sont issus de différentes parties du monde, les différences entre les nations s’évanouissent. (…) Cela tient au fait que nous sommes tous des êtres humains capables de rire, d’aimer et de pleurer. J’espère que les jeunes nous aideront à lutter contre le fait que nous sommes aussi capables de haïr.
Telles sont mes raisons d’espérer.
Photo : ©Katherine Holland – Jane Goodall Institute France

