Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara, Président du Burkina Faso, est assassiné par un commando. Retour sur cette figure majeure de l’histoire contemporaine de l’Afrique. Texte de David Gakunzi.
Burkina Faso, terre intègre. Traces. Traînée de sang sur le sable. Il y avait l’utopie, restent les fragments. C’était un 15 octobre. La trahison, la tête saturée de chimères ; la trahison, le bain de sang et l’affreux aboyant la rectification sur radio Ouagadougou.
Dagnoen. Le travail fut de fauve. Dagnoen et des jambes, et des bras, et des mains… Dagnoen, rituel de barbarie. Dagnoen, Sankara l’espoir saigné. Sankara, sans terre ni cercueil ! Et de l’Afrique entière, s’éleva la plainte. Des cris. Des gémissements.
Sankara, l’Afrique sans conventions qui cogne aux portes de l’avenir
Sankara, l’intègre, la parole énergie vitale, chaque mot déchiré par notre déchirure, chaque mot comme le destin de chacun, Sankara annonçant le temps des promesses enfin accomplies. Tout semblait dorénavant à portée de main. Sankara, l’Afrique sans conventions qui cogne aux portes de l’avenir.
Et de toutes les terres et de tous les combats pour la dignité, le cœur ouvert à toute humanité, Sankara, la joie et l’espoir, l’esprit émancipé de tous les dogmes des grands frères et de toutes les charmantes tromperies des conservatismes, syncrétisme de toutes les espérances à la conquête du splendide.
Que personne n’oublie jamais la douleur des moins que rien piétinés sans pitié
Du Sahel aux sources taries et à l’esprit perturbé par la faim, Sankara, la verticalité qui sauve. Oser. Oser inventer l’avenir. Le droit à l’imagination. Du Sahel, la sève irriguant l’Afrique. Non, ce n’était pas juste une illusion. Une funeste sensation. C’était la vérité. C’était l’histoire en construction.
Mais ce jour d’octobre venu avec ces afflictions crépusculaires répétitives, cycliques de notre histoire : Lumumba, Cabral et maintenant Sankara. Mutilations et blessures. L’intégrité et au bout le rêve comme destin refusé. L’interdiction de rêver. De désirer. Le désir fracassé.
Mais sur les années, l’index de l’homme intègre pointé sur la liste des choses encore à accomplir : l’eau, mieux vaut l’eau potable pour tous que le champagne pour quelques-uns ; l’éducation, l’éducation est un droit et non un privilège ; la santé, l’accès aux soins de santé d’une qualité satisfaisante, d’un coût abordable ; le droit à l’alimentation, la faim est un scandale ; la justice pour tous et pour toutes ; la dignité pour chacun et pour chacune. Que personne n’oublie jamais la douleur des moins que rien piétinés sans pitié.
Sankara ni mort, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain
Burkina Faso ; Ouagadougou, la ville ; le Conseil de l’Entente, le lieu. Et Dagnoen. Les fragments et ce qui reste. Les traces. L’empreinte. L’espoir qui s’en va ; l’espoir qui revient. Au seuil du jour, à la frondaison de l’aube, encore ce souffle incantatoire. La mémoire tournée vers l’avenir : Sankara ni mort, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain.
En Thomas, ceux qui croyaient car ils voyaient, n’ont pas abdiqué : les témoins de l’épopée – et ceux qui sont venus après dans la suite des âges- , cherchent encore la voie de sortie du labyrinthe de tout ce qui étouffe les destins.
Sankara, l’autre qui devrait partir définitivement mais qui ne partira jamais.
David Gakunzi est l’auteur de « Ce rêve qui dure encore« , ouvrage paru en décembre 2023 chez Temps universel.
1 commentaire
Des mots qui nous entraînent dans le sillage de cet espoir assassiné mais toujours vivant, 33 ans après, Tom Sank. Dans le sillage de ces Hommes libres et intègres dont les vies restent des miroirs des aspirations profondes de l’humanité triomphante, nous respirons et aspirons!