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Interview, Tchicaya U Tam'Si, poète africain, poète
  • Culture

Tchicaya U Tam’Si, poète africain

  • David Gakunzi
  • 7 janvier 2017
  • 4 minutes de lecture

Tchicaya U Tam’si, fut considéré comme le poète africain le plus fécond et le plus original de sa génération. Nous vous proposons ici une interview réalisée une semaine avant sa disparition, dans son appartement parisien situé alors au 122 boulevard Bessier. Ses paroles sonnent encore aujourd’hui comme un véritable testament politique. Propos recueillis par David Gakunzi.

Tchicaya U Tam’si : Je suis venu à l’écriture parce que c’était pour moi la meilleure façon de prendre une plus grande part à la vie, de donner à la vie un sens plus militant. Qu’est-ce que je veux exprimer ? La quête du moi, des origines, un souci de mieux être au monde.

Comment vivre ? Il y a là une question tragique : je suis africain, je suis colonisé et sur mon dos a été jeté un certain nombre d’ordures. Comment m’en débarrasser sans que pour cela je ne laisse quelque part mon sens de la liberté ? Car je considère que quiconque se libère sans libérer son oppresseur devient à son tour oppresseur.

Tchicaya U Tam’Si : Je suis le bronze, l’alliage, et qui dit alliage dit métissage

Je dis quelque part : “J’irai chercher partout où sont dispersés mes cendres, mes fétiches à clous”; donc il y a là un souci de remembrement car j’ai une famille éclatée, une famille en exode. L’exode c’est la traite, c’est la colonisation qui a fait que je ne suis plus maître chez moi. Et puis l’exode c’est aussi le fait que je suis dépossédé d’un certain nombre de biens matériels mais aussi spirituels.

Etant né à quelques kilomètres du bord de la mer, lieu d’échanges et de tous les parcours, je rencontre d’autres possibilités d’être, le colon et la civilisation occidentale. La rencontre même est tragique parce qu’elle vient comme une pression, une oppression. Je pourrais jeter le bébé avec l’eau sale du bain, mais il faut faire la part des choses. Parce que je n’ai pas eu “l’audace” de faire la circumnavigation, d’aller faire la conquête des autres mondes, puisqu’on m’apporte la conquête, je la transforme en ma propre conquête. L’histoire me condamne à avoir cette démarche-là.

Donc il y a bien appropriation, transfiguration, fusion de ce qu’on m’apporte avec ce que j’ai en héritage. Je suis le bronze, l’alliage, et qui dit alliage dit métissage. Nous n’avons pas à nous présenter au monde comme les complexés qui font des emprunts d’une façon éhontée et prédatrice. Dans nos propres sociétés, dans notre culture, il y a tous les éléments qui peuvent fonder une modernité, notre présence dans le monde d’aujourd’hui.

La culture elle est en soi, elle n’est pas hors de soi, elle n’est jamais octroyée

La culture elle est en soi, elle n’est pas hors de soi, elle n’est jamais octroyée. Elle procède du conscient ou du subconscient. Elle est primordiale à tout événement social, économique ou politique. Ce sont les racines des hommes, la fertilité ou la stérilité, l’exubérance ou le rétrécissement qui font que deux, trois hommes, un groupe d’hommes sont à même de faire quelque chose ensemble, bâtir un destin, un toit, une maison.

Et c’est parce que cette volonté d’être est diluée, diffuse, éclatée, déboussolée, qu’il y a sclérose en Afrique. On veut être dans l’ombre de l’oppresseur, trouvant là grandeur et raison d’être. Cette grande fascination envers l’oppresseur, voilà notre malheur. Le drame de l’Afrique aujourd’hui, c’est un peu trop d’extraversion, et trop peu d’introspection. Si l’Afrique s’interrogeait à partir de ce qu’elle est, au lieu toujours de s’interroger d’une façon polémique à partir de ce qu’on dit qu’elle est, les problèmes trouveraient des solutions aisées.

Le drame de l’Afrique aujourd’hui, c’est un peu trop d’extraversion, et trop peu d’introspection

L’indépendance n’a pas été vécue comme la récupération du passé par la transfiguration des racines, par un apport d’humus intérieur pour mieux nourrir les racines, pour qu’elles portent un arbre beaucoup plus haut et plus fructifiant.

Il faudrait se ressaisir, tant qu’il est encore temps, prendre la mesure du gouffre, de sa capacité de sauter cet handicap, trouver un endroit où sa force musculaire, portée par un élan, permettrait de faire le saut sans grand dommage. On le fera : si les générations actuelles sont tellement obnubilées par la conquête de l’ombre, viendront des générations qui seront beaucoup plus fiables, plus à même de faire ce travail.

Car on ne peut pas désespérer de l’Afrique. Voilà un continent qui enrichit tout le monde mais qui ne s’enrichit pas, qui nourrit l’humanité entière et qui crève de nourrir l’humanité. Voilà un continent qui a connu quatre siècles de traite, cent ans de colonisation, un quart de siècle de néocolonialisme ; mais qui est toujours là malgré toutes ces endémies. D’autres peuples ont disparu. Il y a en lui une somme d’énergies colossales qui, récupérées, mises au service de son propre développement, pourront donner naissance à ces révolutions qu’on attend tant sur le continent.

Photo : Tchicaya U Tam’si

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  • Littérature
David Gakunzi

David Gakunzi est connu pour son parcours d’intellectuel engagé en faveur de la promotion de la paix.

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