Rencontre avec Sidónio Pais Quaresma dit Sidó, auteur, compositeur, chanteur et guitariste. Propos recueillis par Isabelle Zenatti.
Qui est Sidó ? Comment vous définiriez-vous ?
Je suis un chanteur ouest-africain de Guinée-Bissau. Un chanteur de charme et engagé pour la valorisation du patrimoine socio-culturel africain.
Quelles sont vos influences musicales ?
Mes influences musicales sont nombreuses et variées. Au début, elles étaient d’origine religieuse et catholique, ensuite elles sont devenues ghanéennes (hi-life), congolaises (la rumba), sud-africaines, latino-américaines (cha-cha, charanga, merengue et la salsa); je m’inspire également du blues, de la soul, du jazz, de la bossa-nova et de la pop anglo-saxone. J’aime aussi la musique classique, le fado que mon père me chantait lorsque j’étais enfant et la musique orientale.
Depuis quelques années, avec l’expérience acquise, je puise dans les rythmes traditionnels de mon pays: le dimdim-djulo, la singa, la tina, le n’gumbé, le kussundé et le broska. Parfois je fusionne ces rythmes avec d’autres musiques venues d’ailleurs. Par exemple dans mon dernier album Fusao, sortie en 2014, je mets en couple un rythme traditionnel portugais (le fandango) et le broska de Guinée-Bissau dans la chanson Ó Malhão, abó ku fala. Dans la chanson Curi Mundo, je mélange de la pop brésilienne, chanté par Roberto Carlos fin des années 60 et le n’gumbé.
D’où vous vient votre inspiration ?
Mes inspirations sont essentiellement ancrées dans la vie socio-politique de la Guinée-Bissau et un peu sur l’expérience de la migration.
Comment voyez vous l’industrie musicale aujourd’hui ?
L’industrie musicale aujourd’hui est en déclin : les grandes majors et labels dominants du secteur discographique sont en difficulté. Cette situation est favorable à l’émergence et au développement des petits producteurs et artistes inconnus, notamment africains.
Paris est-elle une belle ville pour la création ?
Paris était un grand tremplin musical pour une certaine catégorie de musiciens. Mais de nos jours, un musicien africain a plus de chance de se lancer à partir de son propre pays d’origine grâce aux nouvelles technologies, home studio, internet, you tube, facebook, twitter, instagram, etc…
Quel est votre regard sur l’Afrique et le monde ?
Pour moi, l’Afrique est le continent du futur, malgré la mauvaise gouvernance de ses propres dirigeants. L’Afrique n’est pas seulement le poumon de la terre, mais le chœur de la Planète. Je crois que quelques millénaires après son apogée et la boucle des civilisations étant bouclé, elle retrouvera sa place dans la mémoire des hommes.
Avez-vous un projet dans les tuyaux ?
Oui, Esperanças! C’est le titre de mon nouvel album qui doit sortir en octobre de 2017. Je rends hommage aux personnalités pan-africanistes tels qu’Amílcar Cabral, Thomas Sankara, Kwame Nkrumah, Lumumba, Modibo Keita, etc… Je critique aussi la mauvaise gouvernance, et je me réjouis du fait que petit à petit, les frontières tombent en Afrique avec l’émergence d’espaces régionaux comme la Cedeao, la Cemac etc… Je chante également avec conviction la fraternité africaine et antillaise.
Si vous deviez donner un conseil à d’autres musiciens ?
Je leurs dirais ceci : si vous vivez sur le continent, restez-y et battez-vous musicalement sur place, pour imposer votre personnalité musicale. Si vous partez et que vous choisissez l’aventure de l’émigration, votre groupe ne résistera pas à l’égoïsme et aux discriminations qui sont en train d’éroder cette société. Vous risquez également d’être séparés les uns des autres. Où que vous soyez, chacun doit être au minimum poly-instrumentiste et bon: chanteur-guitariste, chanteur-pianiste, bassiste percussionniste, chanteuse-danseuse, etc… La polyvalence est devenu un besoin de survie professionnel, dans tous les domaines, y compris dans le domaine musical.