Dans cet entretien accordé à Richard Stengel, Nelson Mandela évoque sa vision des relations humaines et de l’intégrité. Texte extrait du livre “Conversation avec moi-même” paru en 2010 aux Editions de La Martinière.
Richard Stengel
Les gens disent : “Le problème de Nelson Mandela, c’est qu’il veut toujours voir le bon côté des autres.” Que répondez-vous à cela ?
Nelson Mandela
C’est ce que pensent beaucoup de gens. On me le dit depuis l’adolescence. Je ne sais pas, je crois que les gens … Il y a peut-être un fond de vérité là-dedans. Mais quand vous êtes une personnalité publique, vous devez partir du principe que les autres sont intègres tant que vous n’avez pas la preuve du contraire. Et quand vous n’avez pas de preuve du contraire et que les gens dont des choses qui vous semblent bonnes, pour quelles raisons les soupçonneriez-vous ? Pourquoi penser qu’elles font le bien parce qu’elles ont des arrières-pensées ? Et si vous obtenez la preuve, vous traitez le problème, la déloyauté, et vous passez à autre chose. Parce que c’est comme cela qu’on avance dans la vie avec les autres. Il faut avoir conscience que les gens sont issus de la boue de la société dans laquelle on vit, que ce sont des êtres humains. Ils ont des qualités et des faiblesses. Votre devoir, c’est de travailler avec des êtres humains en tant qu’être humains, et non en les prenant pour des anges. Par conséquent, une fois que vous savez que tel homme a telle vertu et telle faiblesse, vous vous en accommodez et vous essayez de l’aider à surmonter cette faiblesse. Je ne vais pas être effrayé à cause des erreurs commises par un homme ou de ses travers. Je ne peux pas me laisser influencer par cela. Et c’est pour cela que beaucoup de gens me critiquent.
Je ne vais pas être effrayé à cause des erreurs commises par un homme ou de ses travers
Dans la position que j’occupe, la tâche principale est de garder unies des factions différentes. En conséquence, vous devez écouter avec beaucoup d’attention quand quelqu’un vient vous exposer un problème. Mais tout en écoutant et en répondant à ce problème, vous devez garder à l’esprit que le facteur dominant est l’unité de l’organisation. Il faut que les gens puissent venir vous voir pour que vous continuiez à exercer votre rôle.
On trouve que je regarde trop le bon côté des gens. C’est une critique que je dois prendre en compte et à laquelle j’ai essayé de m’adapter, mais vraie ou fausse, je pense que c’est plutôt une qualité. C’est une bonne chose de partir du principe que les autres sont intègres et honorables, parce que vous attirez l’intégrité et l’honneur si vous les recherchez chez les gens avec qui vous travaillez. Et on a plus de facilité à développer des relations personnelles quand on part du principe que les gens à qui on s’adresse sont intègres. Je le crois.