Paris Global Forum
  • Culture
  • Politique
  • Société
  • Planète
  • Innovations
  • Evénements
  • Campus
  • EVENEMENTS
  • CAMPUS
Contact
Paris Global Forum
Paris Global Forum
  • Culture
  • Politique
  • Société
  • Planète
  • Innovations
bahia, san salvador, olodum
  • Planète

J’ai vu Bahia, Bahia de San Salvador

  • David Gakunzi
  • 30 juin 2017
  • 4 minutes de lecture

Une table, une chaise, la lueur d’une flamme, du papier et un stylo : une lettre à t’écrire. L’écriture est un luxe : elle permet de s’arrêter. Mais voilà, à peine quelques mots couchés sur le papier, et déjà, au loin, portées par le vent, j’entends s’élever les sonorités endiablées des tambours d’Olodum. Chacun de leur battement semble dire qu’il est inutile de poser son pas. Rythmes ébène, rythmes ivoire, courbes et rondeurs de plaisirs sans angoisse ni remords, tambours d’Olodum, hymne à la vie, augure de la ronde nocturne et mystérieuse des Orixas. Oui, me voici de nouveau à Bahia, Bahia de San Salvador. Non, je ne suis pas revenu au même point ; non je ne suis pas revenu reconnaître ce que j’ai déjà vu. Je suis venu l’oreille penchée, rallongée pour récolter jusqu’au chuchotement des étoiles, toiser de tous mes yeux ce que jamais ils n’avaient vu auparavant.

Oui, Bahia est toujours Bahia, une ville brûlante, foisonnante, déroutante, immensément, démesurément passionnante. L’enchantement ironique au coin des lèvres, ce lieu a quelque chose de magique, toute image ici évoque une poétique, toute parole ici suggère une musique ; oui, cette ville rend tout simplement lyrique. Ami, si un jour le cœur perclus, le dos voûté, les poings serrés, ton âme est en peine, n’hésites pas : viens chercher par ici une nouvelle saison. Comme disent les Bahianais, le bonheur est comme une plume que le vent emporte dans l’air, elle vole si légère, mais elle a la vie si brève qu’il lui faut du vent sans cesse.

Oui, Bahia est toujours Bahia, une ville brûlante, foisonnante, déroutante

Ne perds pas trop de temps, dès ton arrivée, le jour naissant, saisis-toi aussitôt de la hautaine elevador, escalier mécanique, ascenseur de l’existence et monte, monte vers la lumière crue du soleil, monte d’abord du côté de la ville haute. Les semelles au vent, valse, glisse d’une artère à l’autre, d’une tour à l’autre, d’une foule déjantée à l’autre. Passe le gigantisme informe du béton gris, les éclats de verre, les baies vitrées anonymes qui jonglent avec les chiffres de l’inflation du real, passe le flot interminable des voitures en transhumance, le vomi sur les trottoirs des pots d’échappement, les parkings queue leu leu, passe le temps urbain ; passe les machines chimériques dressées vers le ciel, les marteaux piqueurs scellés dans le sol, la masse des pierres mortes, les odeurs indécises, les couleurs fabriquées, les bruits saturés, passe le temps cadencé ; passe les morceaux de voix en errance, en apnée sur le temps, les poètes fous et les prophètes enivrés, les bières glacées des terrasses aux potins, des terrasses aux risées qui regardent passer la vie ; passe les hôpitaux, passe la morgue, passe les 365 églises, même si « Dieu est bahianais », passe ton chemin vers l’abbatiale Nuestro Senor do Bomfin, fossile de Lisbonne d’autrefois, utopie statique du rêve lusophone. Regarde-là scruter l’océan les yeux levés pour traduire les signes des temps passés et présents.

Si tu viens à Bahia le cœur fatigué, décousu, essoré en quête d’horizon, passe d’abord par cette place là

Reprends ensuite ta route, flâne, lambine et au détour d’un chemin descends vers le Pelourinho. Va vers le cœur de la ville, va au bout, marche vers Pelourinho. Si tu viens à Bahia le cœur fatigué, décousu, essoré en quête d’horizon, passe d’abord par cette place là : les affligés du destin, le cœur en survie, lourd de chagrins, viennent y rechercher le bouillonnement ardent. Du Pelourinho, ils contemplent les façades colorées des maisons baroques, les ruelles pavées de charmes, le bleu intense du ciel, le bleu foncé de la mer, le rouge sombre de la terre et leur chagrin s’évapore. Le blues n’habite plus leur cœur. Le ruban des vœux de Bonfim aux poignets, la Capoera do Angola jette aux cieux leurs gambades à la cadence des Berimbau.

Ami, si tu te décides un jour, à venir ici, ne viens pas le cœur aveugle de persienne, ne viens pas le ventre rempli de fiel. Sinon, gare à toi, à l’aube ou au crépuscule, au hasard d’une rue en dédale, au hasard de l’Avenue des Amours ou de l’Avenue des Quinze mystères, de l’Avenue des Sept coups de couteaux ou de l’Impasse de la tranquillité, Exu se dressera sur ton chemin, Exu te cueillera. Et tu te mettras à gémir ou à mugir comme un simplet, vaincu par l’envie de serpenter, sans savoir ni comment ni pourquoi, en plein milieu d’une samba de roda, d’un refrain de Gilberto Gil, de Caetano Veloso ou de Maria Bethania, ou alors à la fin d’un plat de camaroes pimenté de douceur de coco et arrosé de cachaca. Quoique tu fasses, Exu se dressera sur ta route. Il protège Bahia des étriqués et des papelards, le jour et la nuit.

Cette ville est noire et blanche. Cette ville est sang mêlé, mulata, caboclo

La nuit… Les gens disent ici que chaque nuit que Dieu fait, est une nuit de fête. Alors la nuit tombée, les tambours claquent et résonnent, claquent et hurlent dans les terreiros. C’est l’heure des dieux. Les dieux descendent sur les hommes et les femmes. De leur lumière, ils éclairent les cœurs ; de leur souffle, ils ressuscitent les âmes affligées de douleur. Les visages des danseurs se transforment à vue d’œil, finies les rides, finis les stigmates, finies les balafres de la misère. Les misérables ne sont plus des misérables ; les possédants sont aussi possédés ; les danseurs deviennent des dieux ; l’enfer s’éclipse. Et voilà Xango rouge et bleu, Yemanja la déesse de la mer, Omolu revêtu de paille, Ogun le guerrier étincelant de colère, Oxum la volupté charnelle… Les Orixas sont là. Ils volent, virevoltent, lévitent. Folle ivresse, contractions rythmiques, l’Afrique et le Brésil confondus, l’océan aboli, alegria, felicidade. Cette ville est noire et blanche. Cette ville est sang mêlé, mulata, caboclo. Elle apprend à qui veut l’écouter que dans notre tête-à-tête, notre corps à corps avec la vie, c’est le partage de nos différences qui donne sens à notre humanité, au-delà de nos multiples voix.

Ami, l’écriture est un luxe : elle permet de s’arrêter. Mais voilà le balancement et le tempo exaltant, envoûtant, enchanteur des tambours d’Olodum qui m’appellent vers la grâce et la magie, comme un salut qu’on adresse à la vie.

Ate ja !

Share
Tweet
Share
Share
Share
Share
Share
Share
Articles sur le même sujet
  • Musique
  • Voir le monde
David Gakunzi

David Gakunzi est connu pour son parcours d’intellectuel engagé en faveur de la promotion de la paix.

Article précédent
Bamako, capitale, ville, mali, fleuve niger
  • Planète

Bamako, ville ouverte

  • Isabelle Zenatti
  • 2 avril 2017
Lire l'Article
Article suivant
dogon, masques, maporo
  • Planète

Pays Dogon, masques maporo et mémoire populaire

  • Babou Tembely
  • 2 juillet 2017
Lire l'Article

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  • willy ronis, photographe humaniste

    Willy Ronis : un photographe humaniste

    Lire l'Article
  • Gukurahundi, robert mugabe, fantômes

    Robert Mugabe : les fantômes de Gukurahundi

    Lire l'Article
  • jazz, métaphysique, david gakunzi

    La métaphysique du Jazz

    Lire l'Article
  • dayme arocena, cuba, santeria, jazz

    Daymé Arocena : esprits de Cuba

    Lire l'Article
réseaux sociaux
A LIRE EGALEMENT
  • annie ernaux, livres, livre, lire 1
    • Culture
    Les cinq livres à lire d’Annie Ernaux
  • lila dows, mexique 2
    • Culture
    Lila Downs, égérie du Mexique
  • afro boléro, Philippe Cohen Solal, afro pop 3
    • Culture
    Afro Boléro : Ravel aux rythmes Afro Pop
  • choreographic objects, william forsythe, gagosian, exposition 4
    • Culture
    Choreographic Objects de William Forsythe
  • raymond depardon, traverser, exposition, paris, fondation henri cartier-bresson 5
    • Culture
    Raymond Depardon : Traverser
Paris Global Forum
  • Qui sommes-nous
  • Contributeurs
  • Contact
  • Mentions légales

Input your search keywords and press Enter.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web, en particulier d’analyse des données de navigation. Vous pouvez choisir si vous souhaitez ou non consentir à notre utilisation des cookies via les options suivantes.
Cookie SettingsAccept AllReject All
Manage consent

Privacy Overview

This website uses cookies to improve your experience while you navigate through the website. Out of these, the cookies that are categorized as necessary are stored on your browser as they are essential for the working of basic functionalities of the website. We also use third-party cookies that help us analyze and understand how you use this website. These cookies will be stored in your browser only with your consent. You also have the option to opt-out of these cookies. But opting out of some of these cookies may affect your browsing experience.
Necessary
Toujours activé
Necessary cookies are absolutely essential for the website to function properly. These cookies ensure basic functionalities and security features of the website, anonymously.
CookieDuréeDescription
cookielawinfo-checkbox-analytics11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Analytics".
cookielawinfo-checkbox-functional11 monthsThe cookie is set by GDPR cookie consent to record the user consent for the cookies in the category "Functional".
cookielawinfo-checkbox-necessary11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookies is used to store the user consent for the cookies in the category "Necessary".
cookielawinfo-checkbox-others11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Other.
cookielawinfo-checkbox-performance11 monthsThis cookie is set by GDPR Cookie Consent plugin. The cookie is used to store the user consent for the cookies in the category "Performance".
viewed_cookie_policy11 monthsThe cookie is set by the GDPR Cookie Consent plugin and is used to store whether or not user has consented to the use of cookies. It does not store any personal data.
Functional
Functional cookies help to perform certain functionalities like sharing the content of the website on social media platforms, collect feedbacks, and other third-party features.
Performance
Performance cookies are used to understand and analyze the key performance indexes of the website which helps in delivering a better user experience for the visitors.
Analytics
Analytical cookies are used to understand how visitors interact with the website. These cookies help provide information on metrics the number of visitors, bounce rate, traffic source, etc.
Advertisement
Advertisement cookies are used to provide visitors with relevant ads and marketing campaigns. These cookies track visitors across websites and collect information to provide customized ads.
Others
Other uncategorized cookies are those that are being analyzed and have not been classified into a category as yet.
Enregistrer & appliquer