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paix, joseph ki-zerbo, mémoire collective africaine
  • Politique

De la paix. Quelques réflexions tirées de la mémoire collective africaine

  • Joseph Ki-Zerbo
  • 11 novembre 2018
  • 4 minutes de lecture

La paix n’est pas l’absence de guerre : à l’instar de la santé, la paix est le bien des biens sans lequel on ne peut jouir des autres biens. Un non-malade est potentiellement malade, or la paix, comme la santé, sont une dynamique positive constamment en action. Les Africains avaient dans l’ensemble compris cet impératif. Certes, ici comme ailleurs, il y a eu des tyrans et même des génocides. Mais les ethnocides culturels, par exemple, ont été très rares, comme en témoigne la prolifération exceptionnelle des langues.

Les sociétés africaines étaient aussi fortement intégrées grâce au principe du consensus maximal, bien différent du consensus absolu des dictateurs. Le droit coutumier, corpus d’usages, de comportements, de droits et de devoirs, s’imposait à tous, à commencer par le roi. Dans les civilisations agraires anté-capitalistes où la prospérité du pays dépendait étroitement de la terre et des travailleurs ruraux, la norme sociale absolue était d’intégrer des groupes sociaux solidaires sans perte de substance et d’énergie. D’où une culture tournée vers la paix et la préservation du statu quo.

Cette conception transparaît dans les interminables salutations où le mot paix revient comme un leitmotiv : “As-tu la paix ?”(Héré bé? en bambara, Laafi bé mé ? en moré). L’impératif économique renvoyait ainsi à la sphère culturelle et idéologique pour agréger solidement les différents secteurs du corps social. D’où l’horreur ou la répugnance qu’inspirent toujours les facteurs perturbateurs de l’équilibre social. Dans ma langue maternelle (san), on dit : “s’il y avait quelque chose de bien dans le conflit, la bagarre, les chiens l’auraient trouvé”.

Une multitude de proverbes, dictons, contes et récits célèbrent au contraire l’union, la concorde, le courage du pardon qui dépasse le courage tout court, l’association pour la paix et la solidarité : ” la calebasse tenue ensemble peut se salir, du moins, elle ne se cassera pas”, “ce sont deux mains qui peuvent se laver mutuellement”, “si tous les fils du pays s’entendaient pour boucher les trous de la jarre percée, celle-ci pourrait contenir l’eau dont nous avons tous besoin” etc…

Les voies de la conciliation

Tout symptôme de tension annonciateur d’un conflit est regardé comme un incendie potentiel et traité comme tel. Il mobilise tous les “globules blancs” de la communauté, comme par un système d’alerte rapide. Contrairement à l’ingérence humanitaire, l’intervention est donc préventive. Ce n’est pas la course des pompiers de sinistre en sinistre.

En cas de conflit, le système du médiateur est presque toujours déjà en place. C’est un intermédiaire reconnu par les parties, lesquelles ne sont presque jamais des individus mais des groupes. Ces médiateurs ou “envoyés” sont sacrés : “la foudre ne tombe pas sur un envoyé”, “Malheur aux peuples chez lesquels les médiateurs sont massacrés !” Même les délégués des forces coloniales de conquête ont bénéficié de cette règle impérative.

Certains groupes socio-professionnels peuvent être commis par la loi ou par l’usage à cette fonction de médiateurs ; ainsi, les forgerons, ceux-là mêmes qui fabriquent les armes et sont censés commander aux éléments ; les griots, maîtres de la parole au pouvoir destructeur et régénérateur. Les juges-arbitres sont légions aussi aux différents niveaux de la structure sociale.

Le temps de la palabre de conciliation est regardé comme un investissement prioritaire de la société pour panser ses plaies, d’où les débats illimités à ce niveau.

De nombreuses procédures et rituels plus ou moins solennels consacrent les pactes et accords : repas spéciaux, boissons, ablutions, échange de serments, sacrifices, échange de sang. Parfois, la menace de rompre certains tabous, par les femmes par exemple, est utilisée comme ultime dissuasion de la violence.

Enfin, il arrive que le conflit soit sublimé dans des pratiques de type ludique comme la parenté à plaisanterie. L’idéal est d’empêcher le tête-à-tête ou le face-à-face entre les deux antagonistes en les prenant dans une collectivité plus large.

Bref, tout conflit majeur est soustrait, par diverses procédures, aux cadres souvent faussement identifiés comme le “clan”, la “tribu”, la “caste”, la “race”, pour être ramené devant le tribunal de l’équité et de la dignité humaines. C’est ainsi que le sentiment d’appartenance était largement territorial et non “racial”. Le voisin chez les Mossi (Yaka) jouit d’un statut d’allié. Les affrontements étaient d’ailleurs tempérés par le rythme lent des technologies, en particulier les moyens de communication et télécommunication. Quand tous les moyens pour atténuer ou effacer les conflits avaient échoué, restait l’exode, autorisé comme un droit ou imposé comme un devoir.

La référence territoriale était donc décisive. Elle faisait des uns et des autres les ressortissants d’un terroir ou d’un royaume affrontant éventuellement un autre royaume. L’identité principale n’était pas celle d’un groupe social au sein d’une ethnie ; ou si elle l’était, cela ne conduisait pas d’ordinaire à un génocide finalement suicidaire, après des siècles de cohabitation historique. Exclure un groupe humain en tant que tel sur la base de phénotypes ou, à fortiori, de génotypes impossibles à déterminer, c’était s’exclure soi même de la caravane des humains.

Joseph Ki-Zerbo historien africain de renom né au Burkina Faso le 21 juin 1922 et mort le 4 décembre 2006. Texte écrit après le génocide au Rwanda.

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  • Burkina Faso
  • Droits de l'Homme
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