Egyptologue de renommée internationale, écrivaine, résistante, Christiane Desroches-Noblecourt est célèbre pour avoir sauvé les temples d’Abou Simbel. « La Grande Dame du Nil » a inventé le concept de patrimoine mondial, préfigurant celui de matrimoine mondial. Docteure en psychologie, Edith Vallée lui rend hommage lors des Journées du Matrimoine le 17 et 18 septembre. Propos recueillis par Isabelle Zenatti.
Pourquoi choisir de parler de Christiane Desroches-Noblecourt ?
Edith Vallée : Cette grande archéologue devrait reposer au Panthéon. En 1954, à l’annonce de la construction du barrage d’Assouan provoquant l’engloutissement d’une vingtaine de temples, elle se donne la mission de sauver ces trésors de la civilisation égyptienne.
Le 8 mars 1960, jour où tout bascule, quand la terre entière s’était résignée à la disparition des temples pour permettre la propulsion économique de l’Egypte, à l’UNESCO avec le ministre de la culture égyptien Sarwate Okacha, elle galvanise cinquante Etats pour financer les travaux de sauvetage considérés irréalisables. Sans prévenir le général de Gaulle qui la tancera pour cela, elle engage la France. « Mais Général, je n’ai fait que suivre votre illustre exemple ! Avez-vous demandé la permission le 18 Juin ? »
André Malraux trouve là l’occasion de célébrer le projet et prend le devant de la scène. Elle est cheffe de mission pour 10 ans de travaux de déplacement des temples, en particulier ceux d’Abou Simbel et Philae.
Enfin en 1967, elle accueille le trésor de Toutânkhamon pour l’exposition mémorable qu’elle montera au Grand Palais de Paris. De même pour la momie Ramsès II en 1976 à qui elle fera faire le tour de la place de la Concorde. Elle mourra entourée des siens et de ses 37 livres, auréolée de sa gloire internationale de Grande Dame du Nil, résistante et agent de liaison pour pierre Brossolette, décorée Grande Croix de la Légion d’honneur.
Christiane Desroches-Noblecourt devrait reposer au Panthéon
Il s’agit d’une grande figure du matrimoine, à qui non seulement la France, mais l’humanité entière est redevable, ne serait-ce que l’avoir élevée à cette prise de conscience : rien de ce que crée l’humanité n’est éternel, sinon le sentiment du beau ou du sacré que procure l’art, mais aussi pour avoir généré un immense mouvement de solidarité des nations entre elles.
Enterrée avec les honneurs de la République, sa gloire est de courte durée. Le public ne la connaît pas. A peine s’il sait que le temple d’Abou Simbel a été découpé et déplacé. Grâce à qui ? Personne pour répondre.
Que représente-t-elle à vos yeux ?
Christiane Desroches-Noblecourt est une femme emblématique du Matrimoine. Célébrée, oubliée.
Elle incarne aussi la passion facile. Elle n’a pas à se battre pour acquérir les connaissances convoitées. Son père la soutient en tout, elle, fille de la haute bourgeoisie. Réussir, n’avoir peur de rien, la conviction de gagner là où tout le monde s’avoue vaincu constitue une donnée de l’existence rare, mais la chose est grandement facilitée par un milieu sécurisant et valorisant. Elle fait partie de la lignée des femmes comme sainte Geneviève, Sophie de Concordet, Emilie du Châtelet. Encore fallait-il qu’elles eussent trouvé la voie de leur passion.
Pourquoi est-elle oubliée après tant de gloire ?
Christiane Desroches-Noblecourt s’oppose en tous points à celles qui naissent dans des milieux défavorisés, qui se battent avec un sentiment de survie, et qui toute leur vie travaillent à une forme de revanche à prendre. Certaines deviennent elles aussi des femmes du Matrimoine parce qu’elles se construisent sur un sentiment permanent de survie propre à entretenir leur énergie.
Comment présenteriez-vous la pièce qui sera jouée lors des Journées du Matrimoine ?
Elle devrait reposer au Panthéon, cette femme haute comme trois pommes, Christiane Desroches-Noblecourt qui en 1960 galvanise cinquante nations, liguées dans le sauvetage des temples de Nubie qui, sans elle, allaient être engloutis sous les eaux du barrage d’Assouan.
A ce projet fou mis en scène par des comédiennes et une chanteuse, personne ne croyait, sauf elle. Vous la verrez sur scène dialoguer avec le Général de Gaulle, des déesses égyptiennes, André Malraux, des fellahs…
Pourquoi est-elle oubliée après tant de gloire ? Venez donc réfléchir à cette question avec nous.
À CHRISTIANE DESROCHES-NOBLECOURT, LA DAME DU NIL, RIEN D’IMPOSSIBLE !
Samedi 17 septembre à 14h30 – Dimanche 18 septembre à 12h // Temple de Port-Royal 18, boulevard Arago 75013 Paris